lundi 2 novembre 2009

L'arbre à contes


L’arbre à contes

Dans notre village, il y a sur la place, comme dans beaucoup de villages du Niger, un grand arbre sous lequel les hommes palabrent. Ils discutent de questions très importantes et pendant qu’ils discutent de questions très importantes, les femmes règlent ces mêmes problèmes très importants. Comment sarcler les ignames? Comment rapporter le plus d’eau possible du marigot qui est à dix kilomètres du village? Comment rapporter le bois nécessaire pour cuire la boule de mil? Personne ne parle de la façon de piler le mil pour obtenir la farine car pendant cette activité les femmes qui pilent, chantent au rythme des pilons qui retombent dans les mortiers.

Mais dans mon village, une fois par semaine, l’arbre à palabres se transforme en arbre à contes. Ce jour-là, les hommes se retirent de leur arbre, débarrassent l’endroit de leurs nattes qu’ils tressent avec des pousses de rôniers. Ils font place nette pour le vieux chef qui devient conteur pour les enfants et pour les grands.

Le vieil homme s’installe sur un banc. Sort un grand papier blanc et attend que chacun vienne payer sa place. Le prix de la place sous l’arbre à contes est une belle phrase. L’enfant ou l’adulte qui veut écouter un conte se doit de fournir une phrase qui plaise au conteur. Ou bien les mots choisis doivent lui sembler particulièrement beaux ou la phrase doit être particulièrement bien élaborée. Enfin, l’idée peut paraître singulière au vieil homme et lui plaire. En fait, il est rare qu’une phrase soit évincée par le conteur mais je me souviens que cela s’est produit quelques fois. Quelques gamins un peu insolents ou négligents s’étaient vu refuser l’accès de l’arbre à contes. La semaine suivante, ils avaient davantage travaillé leur production.

En fait, personne n’aurait loupé un après-midi de contes avec le vieux chef...

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